Philippe BOUVARD
« Les Pensées »
- Le comble de la suffisance intellectuelle est de croire qu'on
peut apprendre quelque chose en s'écoutant monologuer.
- J'ai cessé un jour d'utiliser les transports en commun par
peur qu'un adolescent ne se lève et ne me donne sa place.
- Quand j'observe l'extraordinaire liberté dont bénéficient
les jeunes, je me demande si on ne les a pas privés du même
coup de la grisante sensation du plaisir défendu.
- Il y a tellement de fous en liberté que je me demande parfois
si ce ne sont pas les gens sains d'esprit qui peuplent les asiles.
- Le cynisme finit par être le comble de la franchise dans une
société d'hypocrites.
- Nous vivons dans une société hypocrite où l'intérêt
particulier tient lieu de motivation générale.
- Les inégalités sociales seraient beaucoup plus nombreuses si
les pauvres ne vivaient pas au-dessus de leurs moyens.
- Étrange révélateur qu'une bibliothèque ! certaines absences
en disent long et toutes les présences ne sont pas
significatives.
- L'argent autorise la propriété d'un livre, il n'assure jamais
qu'on en soit digne.
- C'est lorsqu'ils entrent dans la réserve que les généraux
commencent à commettre des indiscrétions.
- En amour, c'est comme à l'armée : quand on vous rétrograde,
il faut changer de corps.
- La flânerie est un passe-temps de pauvre ou un art de riche.
- C'est déjà assez triste de n'avoir rien à dire ; si, en plus,
il fallait se taire !
- Comme on ne remplace jamais un vice par un autre, plus on
devient sage, plus on est vide.
- S'il existe un plaisir plus gratifiant, plus voluptueux, plus
extraordinaire que celui de gagner du temps, c'est bien celui d'en
perdre.
- La vraie fête, c'est faire ce dont on a envie, indépendamment
de ce que font les autres, sans tenir compte du calendrier, en se
moquant des usages et en faisant fi du qu'en-dira-t-on. Rare et
difficile.
- Faute d'avoir pu changer le monde, j'ai modifié ma façon de
le considérer.
- Si le sommeil ne séparait pas les couples, il y aurait deux
fois plus de divorces.
- La passion est une atrophie momentanée du sens critique.
- Il y a des femmes qui obtiennent tout ce qu'elles veulent de
leur banquier parce qu'elles possèdent un décolleté qui leur
évite le découvert.
- La seule façon d'oublier qu'on n'a qu'une vie, c'est d'avoir
plusieurs femmes...
- L'amour est une activité trop importante pour qu'on la confie
aux seuls dons Juans.
- Contrairement à l'homme, c'est quand il ne court plus que le
cheval multiplie ses saillies.
- En matière d'amour physique, les textiles gênent plus aujourd'hui
que les principes.
- La beauté des femmes constitue un abus de confiance permanent
dans la mesure où la façade fait des promesses qui ne sont pas
tenues au-delà.
- Les prostituées sont des femmes qui ne demandent pas qu'on les
invite à dîner avant de passer à un autre genre d'exercice.
- Les cocus sont des hommes de goût puisque leur femme plaît
aux autres.
- Lorsqu'on dit d'une femme qu'elle n'a pas froid aux yeux, c'est
qu'on pense qu'elle a le feu quelque part.
- Il n'y a que deux catégories de danseuses : celles qui
repoussent leur cavalier et celles qui s'attachent à lui -
celles qui prennent du plaisir avec les pieds et celles qui
visent un peu plus haut.
- Je plains encore plus les gens qui n'ont pas de vocation que
ceux qui n'ont pas connu l'amour. Sans doute parce qu'on change
plus difficilement de métier que de femme.
- Ce n'est pas la peine de faire de l'humour avec les femmes
puisqu'on les fait beaucoup plus rire en les chatouillant.
- En amour, on change souvent de partenaire pour constater que c'est
toujours pareil, mais sans jamais conclure à l'inanité du
changement.
- En politique, il est plus rentable de se contredire que de se
répéter.
- On devrait se méfier davantage des promesses des hommes
politiques puisqu'ils ne peuvent nous faire de cadeaux qu'avec ce
qu'ils nous prennent.
- Ne dites jamais à un homme d'État ou à un grand patron qu'il
a su préparer sa succession. Si vous voulez lui faire vraiment
plaisir, bornez-vous à prédire qu'après lui ce sera le chaos.
- J'enrage contre certains salariés qui prennent bien garde de
ne pas programmer leurs dépressions en même temps que leurs
vacances.
- L'honnêteté dans les affaires constitue le seul moyen de
pouvoir escroquer la même personne plusieurs fois.
- Le piston ne marche qu'avec les huiles.
- Il y a détournement de mineurs lorsqu'on préfère les
inscrire au chômage plutôt que de les envoyer au charbon.
- La sieste s'est faite durant des siècles après le travail,
puis avant. Aujourd'hui, à la place.
- De nos jours, les gendarmes ne sont plus assez nombreux pour
aller deux par deux.
- La France se porte mal parce que les Français se soignent trop.
- Avec le tabac et l'alcool, l'administration est la plus grande
blanchisseuse d'<< argent sale >> de notre époque.
- Les C.R.S. qu'on rencontre l'été au bord de la mer ou l'hiver
dans les stations de ski sont chargés de vous expliquer
courtoisement qu'ils ne sont pas du pays non plus.
- L'État, vendeur d'alcool et de tabac, gagne plus d'argent en
élargissant les vices qu'en resserrant les boulons.
- L'héritage offre la possibilité de toucher dans l'âge adulte
les sommes qu'on vous a refusées dans votre jeunesse. Cadeau qui,
de surcroît, n'exige pas de remerciements.
- Le crédit, c'est la possibilité donnée aux acheteurs
impécunieux de payer leur appartement 20 % plus cher que les
riches.
- Il n'y a que l'argent qui aide à oublier qu'on n'est pas riche.
- Lorsqu'on vit trop à crédit, les ardoises deviennent des
tuiles.
- Ne pouvant, par la taille ni l'esprit, dépasser les autres, j'ai
pris l'habitude de me dépasser moi-même. Cela ne va pas loin.
- Dites grandement tout le bien que vous pensez de vous : la
fausse modestie est un abus de confiance.
- Je suis plus sensible au courant électrique qu'aux courants de
pensées.
- Forts du vieux proverbe qui prétend que seuls ceux qui ne font
rien ne se trompent jamais, un nombre croissant de nos
concitoyens éliminent par l'inaction tout risque d'erreur.
- L'égoïsme est un luxe qui se paie toujours à crédit.
- Rien ne m'exaspère davantage que les gens qui parlent sans
cesse d'eux-mêmes sous prétexte que c'est le seul sujet qu'ils
connaissent. On perd, en les écoutant, un temps précieux qu'on
pourrait consacrer à sa propre personne.
- J'ai répertorié deux grandes catégories de brillants
causeurs : ceux qui ne vous écoutent pas et ceux que l'on n'écoute
pas.
- L'amabilité est la gentillesse des gens qui n'ont pas de
cur.
- On n'a pas l'âge que donne l'état civil mais celui qu'accordent
les contemporains.
- La lecture des journaux est comparable au ménage : elle n'est
efficace que si l'on va dans les coins.
- On appelle << mauvaise foi >> les convictions d'autrui
qu'on ne partage pas.
- Dans certains cas, l'amabilité confine à la mauvaise foi.
- La publicité est à la consommation ce que l'érotisme est à
l'amour. Le plaisir ne suit pas toujours.
- L'ordinateur est un appareil sophistiqué auquel on fait porter
une housse la nuit en cas de poussière et le chapeau durant la
journée en cas d'erreur.
- Les radars sont des appareils détecteurs que la Gendarmerie
annonce quand il n'y en a pas et qu'elle cache quand ils existent.
- Dans certains restaurants, on appelle << plat du jour
>> les restes de la veille qui ne peuvent pas attendre le
lendemain.
- La mer est la piscine des pauvres.
- L'amour-propre nous gâche l'amour de la même façon que l'instinct
de la propriété aliène nos autres sens.
- Qui a dit que les absents avaient toujours tort ? Chez nous, on
ne dit du bien des gens, on n'en écrit sur eux, que lorsqu'ils
ont disparu.
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- La mort n'est jamais qu'un jour dans la vie. Et de surcroît
le dernier, à ce qu'il paraît.
- La modestie est l'art de faire dire par d'autres tout le bien
que l'on pense de soi-même.
- Je plains les gens qui ne se fâchent avec personne. D'abord,
ils pèchent souvent par indifférence. Ensuite, ils ne vont pas
au bout de leurs sentiments. Enfin, ils se privent des joies
pures de la réconciliation.
- La beauté est une tromperie. La vitrine annonce un tas de
choses qu'on ne trouve pas à l'intérieur.
- Pardonnez-moi, mais l'humour se conjugue rarement au féminin.
Dans notre système médiatique, les filles qu'on montre ont
moins de choses au sommet qu'au milieu.
- J'admire d'autant plus l'effort musculaire qu'à force de
volonté je m'en suis toujours dispensé.
- Le secret est comme la modestie : il cesse d'exister à l'instant
où on l'évoque.
- L'honnêteté dans les affaires consiste à posséder à son
compte en banque l'argent qu'on doit à ses créanciers.
- On devrait essayer les hommes comme les chaussures. Si ça va,
on les garde. S'ils vous cassent les pieds, on les rend le
lendemain matin.
- L'appellation de voiture de sport me rend songeur : le vrai
sport consisterait à parcourir à pied le chemin qu'on effectue
au volant.
- Un de mes grands étonnements : que les égoïstes puissent
tomber amoureux.
- L'important à un certain âge, ce n'est pas d'avoir mais d'avoir
eu.
- La femme idéale ? C'est celle qui laisse à l'homme le dernier
mot, sachant qu'elle pourrait en ajouter encore un autre !
- Je m'endors plus facilement quand je lis, le soir, des auteurs
qui ne sont pas des lumières.
- La météo est une science qui permet de connaître le temps qu'il
aurait dû faire.
- On devrait essayer les femmes comme les chaussures. Si cela va, on les garde. Si elles vous cassent les pieds, on les rend le lendemain matin.
- Quand une femme du monde a les yeux vides, c'est que son regard est tourné vers l'intérieur.
- Une vierge, à notre époque, c'est une petite fille de cinq ans, très laide, et qui court très, très vite.
- Dieu n'existe pas, mais il faut faire semblant d'y croire, cela Lui fait tellement plaisir...
- La fête de la musique est une grande réussite puisqu'elle garantit trois cent soixante-quatre jours de silence par an.
- Le talent consiste à dire les mêmes bêtises que les autres, mais plus élégamment...
- L'ancienneté est à l'image du cholestérol, il y a la mauvaise qui se prononce vieillesse et la bonne qu'on nomme expérience.
- L'éternité c'est d'avoir jusqu'à la fin des temps l'âge qu'on avait le jour de son trépas.
- L'euthanasie n'est qu'une mesure économique pour éviter d'avoir à construire de nouveaux hospices.
- Sans l'exhibitionnisme, le voyeurisme serait plus difficile.
- Rien de tel qu'une belle paire de fesses pour découvrir les vertus de l'engagement manuel.
- Étrangeté du comportement : deux jambes de femme suffisent à faire sortir un homme du droit chemin.
- On respecte les vieux parce qu'ils ont résisté aux microbes qui tuent souvent les jeunes.
- Les enfants ne demandent pas à naître. Sauf par curiosité, dans les derniers jours de la grossesse.
- Le calvaire de la bonne bouffe : une heure de plaisir, deux heures et demie de digestion et - dans le meilleur des cas - trente ans d'obésité.
- Les incessants progrès de la chirurgie, de la médecine et de la pharmacie sont angoissants : de quoi mourra-t-on dans vingt ans ?
- La réanimation permet de retirer momentanément des clients aux Pompes funèbres.
- Un jour viendra où l'absence totale de rides constituera le seul moyen pour détecter la vieillesse.
- La bonne santé persistante des retraités finira par tuer notre économie.
- Les contribuables sont comme les enfants : ils posent de grandes questions et se contentent de toutes petites réponses.
- Je suis plus attaché à mes cheveux qu'ils ne le sont à moi, ces ingrats que j'aurai passé tant d'heures à remettre dans le droit chemin.
- Ni dupe, ni complice.
- Les inconnus d'aujourd'hui seront des vedettes demain.
- Un pyromane, c'est un flambeur estival qui préfère les forêts aux casinos !
- Les cons fournissent une cible privilégiée... Ils sont tellement nombreux que même un mauvais tireur est forcé de faire mouche.
- J'enrage de céder aussi souvent aux facilités verbales de mon âge. Du style : "Je le connais depuis quarante ans... " - "De mon temps..." - "Dans ma jeunesse..." - "Je pourrais être votre grand-père...". Le pire est que tout ce fatras, destiné à valoriser celui qui y recourt, lui donne irrémédiablement un coup de vieux qui l'achève.
- Le travail est ma passion, mon sport, mon équilibre et aussi... ma source de revenus.
- Pour économiser votre méchanceté, choisissez des ennemis en petite santé.
- Je crois avoir enfin compris pourquoi les maigres suscitent moins de familiarité. On ne peut pas leur taper sur le ventre.
- Soixante-quatre ans. Je m'enfonce dans le troisième âge mais je ne suis pas vieux. Un vieux a des cheveux blancs ou est chauve, un vieux est sage, vitupère les jeunes, commence ses phrases par "de mon temps" et n'a plus envie de rien.
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« Auto-psy d'un bon vivant »
- L'âge est rassurant qui m'aura délivré de ma vieille peur de mourir jeune.
- Aujourd'hui un ministre est réputé courageux quand il est résolu à faire le bonheur des citoyens contre leur volonté.
- Le livre est avec la religion la seule façon de faire de l'argent avec la morale.
- L'aventure est au coin de soi-même. À condition de s'attendre au tournant...
- Il en est de la séduction des peuples comme de celle des femmes : c'est en racontant n'importe quoi qu'on fait le plus de conquêtes.
- La trompeuse mansuétude de la mort : elle attend le dernier jour de la vie pour consommer son uvre.
- Gardons-nous de sous-estimer le pouvoir de nuisance des petits chefs entre le moment où ils sortent du néant et l'instant où ils y retournent.
- L'indifférence est un signe d'égoïsme. La méchanceté est une forme d'altruisme.
- L'instruction ne remplace pas l'éducation alors que l'inverse est possible quand la conversation dure moins d'un quart d'heure.
- À partir d'un certain âge, la sexualité devient plus cérébrale : il faut titiller la matière grise si l'on veut obtenir la matière blanche.
- Selon son degré de culture on cherche les raisonnements dont on a besoin dans sa mémoire ou dans son imagination. Heureux les ignorants qui doivent tout fabriquer eux-mêmes !
- Le bon côté du surmenage chronique : on n'a jamais à tuer le temps.
- Si l'acte amoureux était aussi confortable que l'affirment les amants, ces derniers bougeraient moins.
- La période la plus paisible de l'existence se situe généralement vers la soixantième année : on n'a plus à s'occuper de ses vieux parents et on ne les a pas encore rejoints.
- Le présent semble éternel dès lors qu'on s'interdit de penser à l'avenir.
- La culture sportive est, comme la culture générale, un exercice de mémoire au niveau de l'acquisition et un exercice de réflexes au niveau de l'exploitation.
- La diminution croissante de la durée du travail finira par donner un caractère fictif à la plupart des emplois.
- La vie est généralement mal faite qui aboutit à ce qu'on voit beaucoup les gens qu'on aime peu et peu les gens qu'on aime beaucoup.
- J'ai mis si longtemps à me construire que je refuse de me laisser démonter.
- L'existence est faite de ces allers et retours qui aident à contourner les incertitudes et à anesthésier les états d'âme.
- L'égalité tardive et relative des cimetières : deux mètres carrés pour tout le monde mais la perpétuité seulement pour quelques-uns.
- L'âge auquel on est parvenu paraît toujours moins terrifiant que celui qu'on atteindra - si tout va bien - dix ans plus tard.
- Les gens qui ne vous ont pas connu vous oublient très vite.
- La mort efface les fautes de jeunesse à condition d'être précédée d'une longue vieillesse.
- En avançant dans la vie il faut se rapprocher des autres et prendre ses distances avec soi-même.
- L'obsession de plaire encore au-delà d'un certain âge : une démarche à mi-chemin du courage et de l'inconscience, tous deux explicables par un mépris total des apparences.
- C'est une grande satisfaction que de ne devoir son aisance qu'à son courage. Encore faut-il accepter de rembourser sa dette tous les jours ouvrables et parfois les jours fériés.
- L'autodérision est un service gratuit rendu aux professionnels paresseux de la dérision.
- J'ai trop longtemps uvré dans la rumeur et les supputations pour être dupe aujourd'hui des médisances colportées sur mon compte.
- L'avantage de ne connaître rien à rien c'est qu'on peut parler de tout avec une égale inconscience.
- Les femmes, qui n'ont pas été dans leur jeunesse de splendides créatures, vieillissent mieux que les autres car elles n'ont pas perdu avec l'âge une beauté qu'elles n'ont jamais possédée.
- En politique, l'avenir appartient à ceux qui ne se soucient pas du présent.
- J'aime ou je n'aime pas. J'épargne ainsi à mes contemporains les moins sympathiques l'odieuse indifférence.
- La démence sénile est une grande victoire sur la mortalité infantile.
- Les cons fournissent une cible privilégiée. Ils sont tellement nombreux que même un mauvais tireur est assuré de faire mouche.
- L'explication de mon anticléricalisme primaire remonte à l'enfance : j'ai été moins touché par Dieu que par ses prêtres.
- Vivre est moins exaltant que survivre.
- Je ne connais pas de plus grande satisfaction que celle de ne rien faire si ce n'est celle du travail accompli. Situation qui, dans les deux cas, autorise la sieste.
- Les gens qui ne savent pas rire à la fin d'un enterrement font rarement de vieux os.
- Si les citoyens honnêtes étaient plus perspicaces, il y aurait moins d'individus malhonnêtes poursuivis pour abus de confiance.
- Inversion des rôles traditionnels dans le couple moderne : c'est la femme qui porte la culotte et l'homme qui arbore la boucle d'oreille.
- Il existe des noms abusivement dits propres que, par simple souci d'hygiène buccale, on devrait s'interdire de prononcer.
- C'est vrai que, quand on n'est nullement assuré de ce qu'on avance, l'emploi répété de « c'est vrai que » masque le manque de certitudes.
- L'alibi de l'allergie au sport : pas de performance à vingt ans, pas de contre-performance à soixante.
- La vieillesse commence le jour où l'on ne s'intéresse plus à la jeunesse.
- Je crois qu'il existe une belle égalité des citoyens dans l'accès aux petits bonheurs de la vie quotidienne et une énorme inégalité dans la faculté d'en profiter.
- Si vieillir est une réussite, ce n'est pas seulement parce que tout le monde n'y parvient pas mais aussi parce que la perte de mémoire impliquée par cet état permet d'oublier les avantages de la jeunesse.
- Il faut être vraiment attardé pour s'obstiner à croire aux vertus du travail dans une société où l'effort non sportif a perdu toute noblesse.
- Désolante malfaçon de l'être humain : sa chair est faible jusqu'au moment où elle devient flasque.
- Ce sont surtout les comparaisons qui aident à survivre. Or, Dieu merci, on trouve toujours dans son entourage plus bête, plus laid, plus âgé et plus malheureux que soi.
- Le bonheur se savoure moins longtemps que ne se remâche la déception.
- C'est quand elle s'abstient de servir à la parole que la langue humaine se montre la plus indiscrète.
- Les méchants procès faits à l'argent en arrivent à gâcher le plaisir d'être riche.
- Le contentement de soi serait plus sympathique s'il n'allait pas de pair avec un mécontentement chronique à l'égard d'autrui.
- Il y aurait beaucoup moins de turpitudes sexuelles et - par voie de conséquence - d'affaires de murs si le Créateur n'avait pas dispensé l'espèce humaine de la saison des amours imposée aux autres créatures.
- La gentillesse consiste à ne pas se réjouir des malheurs d'autrui qui ne nous profitent pas.
- J'ai cessé d'aller aux enterrements par lassitude de ne rencontrer, ces jours-là, que des seconds rôles.
- L'écriture est comparable à l'amour physique. L'instigateur de l'exercice n'est jamais assuré du plaisir des partenaires qu'il ambitionne de rendre aussi heureux que lui.
- Méchante consolation de l'homme vieillissant : pendant qu'il prend des rides et de l'embonpoint, pendant qu'il perd ses dents et ses cheveux, les autres - tous les autres - se hâtent du même pas vers leur fin.
- On se satisfait rarement de l'âge qu'on a. On a d'abord tendance à oublier son ancienneté terrestre jusqu'au jour où l'on décide de troquer la volupté d'être encore jeune contre la fierté d'avoir pu devenir vieux.
- Les gens connus qui expriment sans complexe le souci qu'ils ont de « leur image » la détériorent déjà en l'évoquant.
- Un bonheur n'est jamais complet lorsqu'il implique un choix de vie au détriment de tous les autres.
- Ce sont ceux qui ont des gants qui en prennent le moins avec ceux qui n'en portent pas...
- L'espoir fait toujours vivre ceux qui savent l'exploiter.
- Tout ce qui est imposé perd de son charme.
- Tous ces gens en bonne santé qui disent : « Quand je serai mort » sans y croire vraiment alors qu'il s'agit de la seule certitude de la vie...
- La première supériorité des jeunes sur les moins jeunes réside dans le fait que, momentanément épargnés par l'amertume et l'aigreur, ils mordent dans l'avenir au lieu de remâcher le passé.
- La vie m'a appris à me méfier davantage de moi que des autres. Des autres, je ne crains que la méchanceté qui fait mal. De moi, j'appréhende la bonté qui ruine.
- Je crois avoir enfin compris pourquoi les maigres suscitaient moins de familiarité : on ne peut pas leur taper sur le ventre.
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- Le besoin d'entendre affirmer par d'autres tout le bien qu'on pense de soi trahit le faible crédit qu'on accorde à sa propre opinion.
- Dans la rue, on me dit parfois : « Vous êtes mieux qu'à la télé ». Le message est clair. Il faut que je fasse moins d'émissions et d'avantage de promenades !
- Chers jeux du cirque qui font toujours oublier le prix du pain...
- Les nains vieillissent moins vite que les géants car, quand ils consultent, ils ont toujours l'air de sortir de chez le pédiatre.
- J'ai seulement des regrets quand je songe à tout ce qu'on sait que j'ignore, mais j'ai véritablement honte lorsque je pense à tout ce que je n'ai pas compris de ce que je suis censé savoir.
- Chez nous, l'estomac est plus important que la tête et les nourritures terrestres passent toujours avant les autres. Ainsi, un cuisinier qui perd une étoile fait toujours plus de bruit qu'un astronome qui en découvre une nouvelle.
- Les électeurs sont des rôtisseurs : un homme politique est cuit dès lors qu'il cesse d'être cru.
- Le fraudeur fiscal est un contribuable qui s'obstine à vouloir garder un peu d'argent pour son propre usage.
- Il vaut mieux avoir eu une Rolls que d'en posséder une ; les souvenirs, eux, ne paient pas d'assurance.
- Le marbre est le plancher des vivants et le toit des morts.
- Les animaux ont été créés par Dieu pour donner aux hommes une impression de supériorité.
- La gentillesse s'improvise, l'agressivité se prépare.